just a kid

tw: mort et deuil.

La terreur du bac à sable. Ce surnom te va comme un gant et tu en es si fier. C'est vers toi que tout transit, c'est à toi qu'on vient demander une pelle ou l'autorisation de jouer, déjà parce que tu es le plus grand et plus le féroce, mais aussi parce qu'à l'intérieur de cette aire de jeu se trouvent les deux prunelles de ta vie : tes petites soeurs. Ce sont des jumelles, des gamines si mignonnes, des petites blondes avec des tresses, des yeux bleus magnifiques. Du haut de tes cinq ans, tu n'en as rien à faire du féminisme, par contre, tu refuses que le moindre garçon ne les approche, que la moindre fille les embêtes. Tu as remis à leur place plusieurs gamins trop intéressés et tes dents ont laissé leur trace dans deux bras. Tu as rougi de fierté en voyant ça.

Bon, ta joue a ensuite rougi quand tes parents t'ont expliqué que ce n'était pas possible d'agir de la sorte, puis ta mère a séché tes larmes en te faisant un gros câlin. Dans ses bras, tu t'es senti mieux, invincible, mais cette même culpabilité venait toujours te ronger. Tes parents t'aiment de tout leur coeur, tu le sais, mais avant, ils aimaient aussi Jack, ton frère aîné. Or depuis sa disparition, ta maman parle d'étoile dans le ciel et d'autres conneries, tu ne ressens que cet immense vide qu'il faut que tu combles à tout prix. Tantôt, tu fais le pitre, tantôt tu hurles pour attirer l'attention, tu es partout à la fois, tu prends ton rôle d'aîné à coeur, mais tu oublies que tu n'es pas obligé d'être plus que le gamin de cinq ans que tu es.

l'adolescent qui crie j'veux qu'on m'aime

tw: comportements toxiques

La Bande à Søren Eriksen tu la regardes de loin. T'as toujours été à côté d'eux, toujours dans la même classe et pourtant, cette jalousie n'a jamais pris fin. Tu les as vu grandir, jouer, s'amuser, être heureux, tu as essayé de les intégrer, tu t'es infiltré à plus d'une soirée, mais tu n'étais jamais assez bien, parce qu'ils te trouvaient trop vulgaire, trop criard, trop énervés, trop bagarreur. C'est pas de ta faute si tes poings finissaient toujours dans les nez des gars qui s'approchaient trop près de tes soeurs quand même ! Avec eux, t'avais jamais raison, toujours tort. Pourtant, ton intérêt pour eux ne s'est jamais tari. D'adoration et de jalousie, tu es passé à la rancoeur et à la haine. Mais ces photos, ces rares photos de vous cinq n'ont jamais quitté ton bureau. Tu te rappelleras toute ta vie de ce moment, tu les avais invité à ton anniversaire, celui de tes dix ans et tes parents vous avaient amené dans un parc d'attraction, celui de tes rêves. Tu leurs avais dit que tu avais du faire un choix, que tu avais failli ne pas inviter Erin et Andrew, parce que tu avais un nombre limité de participants, mais que tu avais réussi à convaincre tes parents. C'était faux, il n'y avait qu'eux quatre sur la liste, et tes parents étaient ok pour cinq amis. Tu n'en avais pas d'autres, tu les admirais trop pour te lier avec un autre, mais apparemment tu t'y prenais mal.

Si te souviens de cette journée avec un immense sourire, leurs souvenirs à eux sont différents. Ils se rappellent de ta crise de jalousie au milieu de la grande tour, de la fois où t'as voulu embrasser Tammy et qu'elle t'a repoussé, de leur promesse de ne plus jamais passer du temps avec toi après cette journée catastrophique. Aujourd'hui, ton regard neuf te permet de mieux comprendre les comportements toxiques que tu avais à l'époque.

my body is a cage

La lettre de licenciement dans une main, la demande de divorce dans l'autre, tu te sens vraiment con. T'es seul. Tout seul. Tes soeurs n'ont pas accouru pour s'occuper de toi, ton père a même ricané - mais il faut dire qu'il n'a jamais apprécié ton homosexualité - et ton mari était désolé, un peu en colère aussi, mais surtout désolé pour toi et ta vie de merde, pourtant ça ne l'a pas empêché de te quitter. Franchement, t'es à deux doigts de pleurer au milieu du trottoir.

« Oh Ryan !? » La voix te tire de tes pensées, c'est une meuf que tu connais depuis longtemps, une commère toujours au courant de tout, tu tentes de sourire et cacher tes papiers, tu tentes de jouer le jeu, tu ne veux pas être le point de départ d'un nouveau sujet de discussion. Si t'as toujours été une forte tête et qu'on te respectait - parce qu'on te craignait - tu sais que ce temps est bien révolu. Plus personne n'a peur de toi. De tes poings peut être, mais tu vas pas frapper une commère, ça n'a aucun sens. Tu réponds à ses questions, tentant d'en savoir plus sur ceux que tu n'as pas vu depuis longtemps. Un nom te trotte en tête, bien sûr, mais elle ne connaît sûrement rien de Søren, ça ne sert à rien de lui tirer les vers du nez, ils n'existent pas. Pourtant, penser à lui t'a fait prendre conscience d'un truc. S'il faut que tu t'excuses auprès de certaines personne, peut être que lui entre tous, sera le seul à t'accueillir à bras ouvert. Après la trahison de ta famille, t'as pas envie d'aller les voir. « Désolé faut qu'j'y aille, on s'reparle... jamais » Tu souris même si t'assumes pas tout à fait ton dernier mot.

Il n'y a qu'une seule chose qui t'attend maintenant que t'es au plus bas, c'est la rédemption, mais t'es pas encore certain de la mériter.