Depuis que Milo est de retour dans la vie de ta sœur, tu ne sais pas vraiment comment agir. C’est idiot, mais t’es aussi heureuse pour elle que t’es sur le qui-vive. T’as pas confiance. Pourquoi s’est il fait passer pour mort ? Pourquoi n’est-il pas revenu plus tôt ? Et surtout, pourquoi maintenant ?! C’est louche. Ça ne te plait pas. Pourtant, voir Prune sourire n’a pas de prix. Ça n’était pas arrivé depuis des mois. Tu la vois autant que tu peux, mais vos emplois du temps ne concordent pas toujours. Pas souvent ces derniers temps, pour être honnête. Tu t’ennuies. Tu galères sur ce refrain depuis ce matin et tu finis par abandonner : l’inspi, tu ne la trouveras certainement pas au fond de ton lit, soyons réalistes : il est temps pour toi de sortir. T’attrapes ton sac, ta veste en cuir, tes clés, et te voilà fin prête pour ta balade. Casque sur les oreilles, tu ne recherches rien de particulier. En fait, t’as surtout besoin de te vider la tête. C’est idiot, mais t’es préoccupée. Ta sœur est un prétexte pour ne pas penser à l’évidence même : Ezra laisse un vide tout particulier, depuis qu’il sillonne les routes en compagnie de Wes’. Tu ne l’avoueras jamais, mais dans le fond, t’aurais bien voulu voir ça : ça pique ta curiosité autant que ça te fait marrer… Autant que ça te frustre aussi : si t’es heureuse pour lui, t’enrages de ne pas lui avoir dit qu’il te manquerait : fierté mal placée, pudeur, peur d’être rejetée, appelles ça comme tu veux, tu te surprends toi même : avec Wes, tu ne prends pas autant de pincettes. Pourtant t’en es certaine, vous n’êtes rien d’autre que des potes. Alors pourquoi tu ressens ce vide ?! Aucune envie de te poser ces questions là. Aucune envie non plus d’improviser une psychanalyse en plein parc, à dévorer une chocolatine (ou un pain au chocolat, au choix) sur un banc, ton café à la main, que tu poses bien vite pour scroller sur ton téléphone. Et puis merde. Tu décides finalement de lui envoyer un message pour prendre des nouvelles : tu sais qu’ils ne devraient plus tarder à rentrer, maintenant. Peut-être même est-ce déjà fait ? Tu lèches le chocolat sur ton pouce que tu essuies de ta serviette en papier, et pianotes en vitesse « hey ! Alors ? C’est comment, la vie sur les routes ? Comment ça se passe la scène ? Les gens sont cools ? Vous rentrez quand ? Tu crois qu’on pourrait se boire un verre à votre retour ? ;) XOXO, Lem. » « XOXO » ??? Putain, tu dérailles, Wordsworth ! Ton nom ne te sert donc pas d’exemple ? Tu n’as donc rien appris ? Erf. T’as envie de t’étouffer avec ton pain au chocolat. Pain, au sens de douleur. Parce que oui, c’est douloureux, d’être aussi socialement awkward, nom d’un raisin ! Mais en même temps, t’es tellement contente à l’idée de passer du temps avec Ez’, tu sais que t’as fait le bon choix ! Encore plus lorsque, quelques instants plus tard, tu reçois une réponse positive. Ça tombe bien : dans tes pérégrinations, t’es tombé sur un petit bar lounge qui t’a l’air sympa et dont tu lui donnes l’adresse : le rendez-vous est posé pour ce soir. Tu termines ton tour, et une fois chez toi, ton refrain coule tout seul. Soulagée, tu te prépares et files, bien résolue à ne pas être en retard, pour une fois.