Oh Lord. Qu’est ce qu’il ne fallait pas faire, pour gagner sa croûte ou plutôt celle de l’association ? En soi, toi, tu n’en as pas besoin, t’as ton petit confort et quasiment tout ce que tu pourrais demander. Mais tout le monde n’a pas cette chance, tu ne le sais que trop bien : si tu as créé ton association devenue ONG il y a quelques années avec Talulah, il y a bien une raison. Parfois, tu te dis que d’avoir laissé les rênes à la jolie rousse est peut-être la meilleure des décisions que tu aies pu prendre depuis un paquet de temps. Au départ, tu avais prétexté ta carrière, le manque de temps. Mais au fond de toi, tu sais pertinemment que ces raisons évoquées ne sont pas correctes. Tu ne le diras jamais, mais le show business t’a eu : A quel moment t’as cru que t’allais pouvoir passer au travers ? À quel moment tu pensais que ça ne te changerait pas, que tu serais plus fort que les autres, à garder les pieds sur terre ? Vœu pieu mais loin d’être réaliste, qui n’aimerait pas se faire acclamer ? T’avais pas mesuré ça, au début. Mais peu à peu, on s’était mis à te reconnaître dans la rue. Certa ins, rares mais existants, te demandaient des photos, souvent de piètre qualité, d’appareil jetable ou de reflex : tu te méfiais toujours de ceux là, t’avais bien trop peur de tomber sur des paparazzis. Aujourd’hui, ce sont de Sony Xperia ou d’Iphone 5 qu’on parle. Tu te demande quel est l’intérêt de prendre des photos plus pixelisées que la mort avec ces engins mais tu ne rechignes pas, c’est toujours rassurant, d’avoir tes proches à portée de main, au fond de ta poche. Enfin pour être plus précis dans ce que tu viens d’énoncer, ce ne sont pas les paparazzis, dont tu as peur. Avec le temps, ils sont même peut-être devenus tes amis. Tu joues avec eux. Ca t’amuse. Ca regonfle ton estime dans les moments de doute : t’es un putain de tueur, Burberry. Voilà ce que semblent te balancer les journaux à longueur de temps, si bien que t’as fini par les croire : t’es inarrêtable. Et une fois encore, ce soir, t’es bien bien déterminé à leur montrer : membre vaguement honoraire de ce que tu as créé, t’as plus vraiment de contacts avec Lulah : manque de temps. Meh. Vaste connerie. Pour autant, dire que tu n’as vu aucune opportunité dans ce gala serait mentir. Pour une fois, c’est toi qui l’avais contactée et lui avais proposé de représenter tes Petits princes aux yeux de ces gusses.

A reculons, t’avais fini par te préparer et sortir de chez toi, faisant un petit signe à ton chauffeur. Tu sais qu’il t’attend probablement depuis un petit moment, déjà, mais tu ne te presses pas pour autant. Une fois dans la voiture, tu t’enfonces dans ton siège, envoies quelques textos dont certains à Lulah : Tonight is the night. Une fois sur place, tu salues les quelques personnes que tu connais, et t’engouffres dans la salle immense : bon dieu, que ça va être long. Tu te glisses parmi la foule, attrapes un verre de champagne, et te fonds dans la masse, l’oeil sur le chrono.

Non, David O’Hare n’avait pas besoin de sa fille pour l’accompagner à ce gala plein de mécènes potentiels pour une association random – on y reviendra plus tard, si vous voulez bien. David connaissait le trois-quart des personnes invitées et la vérité était qu’Eryn aussi, plus ou moins, parce que son père l’avait traîné dans ces horribles soirées depuis qu’elle avait l’âge de se tenir tranquille à table pendant plusieurs heures et qu’il n’y avait pas une foule de gens suffisamment riches pour claquer des milliers pour différentes cause à Staten Island pour ne pas en reconnaître au moins quelques-uns à chaque événement. Eryn cependant avait toujours pris ces soirées pour des corvées et autant vous dire qu’au jour où elle avait été suffisamment adulte pour pouvoir envoyer son père sur les roses, elle avait cessé de s’y rendre.

Ce soir, cependant, David avait insisté. Il faut dire que ça faisait quelques mois que la brune était revenue habiter chez ce dernier et la cohabitation n’était facile pour personne. Eryn n’était pas dupe : son père espérait (pas si) secrètement qu’elle se trouve une personne sympathique avec qui emménager dans un futur pas si lointain. Autant vous dire donc qu’Eryn avait traîné des pieds. Incapable ne serait-ce que de citer le nom de l’association qu’elle était supposée soutenir ce soir – elle laisserait à son snob de père le soin d’allonger la monnaie, elle ne comptait pas lever le moindre petit doigt pour dépenser de l’argent qu’elle n’avait pas -, elle avait enfilé une robe vaguement habillée (entendez là la robe noire qui irait le mieux avec sa paire de Dr Martens et ses résilles bien clichées) et avait suivi David en traînant la patte.

Ce dernier en pleine discussion avec une de ses consœurs, Eryn se retrouvait seule avec ses pensées et sa partie d’angry birds. Elle soupira longuement, mourant d’ennui, lorsqu’elle réalisa qu’une heure à peine s’était écoulée depuis son arrivée, et finit par lorgner sur les serveurs et leurs verres de champagne qui se baladaient dans la salle. Pas bête. Elle s’éloigna sans un bruit, s’empara d’une coupe, les yeux toujours rivés sur son téléphone… et se vit arrêtée en plein élan. « Merde ! », grogna-t-elle en réalisant qu’elle avait renversé la moitié de son verre sur la silhouette inconnue qu’elle venait de percuter. Elle leva les yeux, morte de honte, et se mortifia encore un peu plus lorsque son regard rencontra celui du blond qu’elle ne reconnut pas – souvenons-nous du fait qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle fichait là – mais qui lui tapa dans l’œil. Elle piqua un fard, se retrouva incapable de soutenir son regard et couina un « Désolée » à peine sincère mais définitivement mortifié avant de s’éloigner au pas de course avant qu’il ait le temps de lui répondre. Nope, the fucking Hallmark movie her dad wanted for her was not happening tonight. Elle ne lui offrirait pas la satisfaction de se trouver un Jean-Gabriel Galerie d’Art à son stupide gala, il serait trop heureux de lui offrir des « je te l’avais dit » qui avaient le don de l’agacer. Elle retourna donc sagement auprès de lui, comme si elle n’était jamais partie, avec ses joues rougies et sa coupe de champagne à moitié vide. Putain de soirée de merde.

De temps à autres et bien malgré elle – elle aurait préféré se jeter sous un bus que de l’admettre -, Eryn jetait des coups d’œil discrets à travers la pièce, scannant l’endroit pour retrouver du regard le jeune homme qu’elle avait délicatement (non) percuté. A chaque fois, la même conclusion : finalement, cette soirée pourrait bien se révéler plus intéressante que prévu. Du moins pour ses yeux. Hors de question qu’elle lui adresse la parole, pour des raisons de fierté mal placée. Elle s’attendait à tout cependant sauf à le voir attraper un micro et se mettre à vendre son produit – pardon, son association. Bordel. Si Eryn avait pu disparaître six pieds sous terre, elle l’aurait fait. De tous les crétins dans cette salle, il avait fallu qu’elle ruine la chemise de celui qui avait besoin de bien se présenter. Pas qu’il ait vraiment besoin d’une chemise, elle pensa malgré elle, il se suffisait à lui-même, mais tout de même.

Tiraillée entre l’envie d’une cigarette de la honte et celle de profiter de l’occasion unique de se rincer l’œil sans être repérée, la brune finit par garder les yeux rivés sur Marley-oh putain c’est un mec connu et tu l’avais pas remarqué espèce de crétine-Burberry le temps que son petit speech dura. Honnêtement, elle n’aurait même pas été capable de citer le nom de l’association qu’il défendait ce soir – elle avait passé un peu trop de temps à suivre des yeux ses mains qui bougeaient en même temps qu’il parlait et le regard perçant, un peu trop sûr de lui qui aurait normalement le don de l’agacer si ses hormones n’étaient pas en train de lui rejouer le film de son adolescence depuis quelques semaines. Le summum de la honte fut quand elle croisa son regard alors qu’il avait définitivement fini de parler depuis plus de cinq minutes et qu’elle le fixait encore, les pensées ailleurs mais les yeux bien plantés sur lui. Shit.

Elle prit cette maladresse comme le signe qu’il était l’heure de sortir prendre l’air. Elle s’engouffra hors de la salle dans un long soupir. Putain d’hormones. Vraiment, elle ne savait pas ce qui lui arrivait depuis quelques semaines, elle ne se reconnaissait pas. Baver sur un crétin de boxeur à l’ego surdimensionné, vraiment, O’Hare ? C’était non. Elle s’éloigna un peu, se fustigeant encore et encore, les pensées en boucle : en essayant de se sortir cet abruti de la tête, elle y pensait deux fois plus, et plus elle se disait qu’elle ferait mieux de télécharger ce nouveau truc, Tinder, pour calmer ses ardeurs, moins ses pensées étaient chastes, plus ça la faisait râler. Bref, elle n’était pas sortie de l’auberge. Alors, elle s’adossa à la première voiture de connard venue – tiens, un peu de mépris gratuit, ça lui ressemblait déjà un peu plus que de reluquer un petit blond pété de thunes – et alluma une cigarette, bien décidée à trouver un stratagème viable pour s’enfuir de cette soirée le plus rapidement possible.

C’est long, interminable. En vérité, tu détestes ce genre de soirée. Le genre où tout le monde fait semblant, se sourit un peu, s’ennuie beaucoup. C’est blindé de monde et pourtant, c’est rare, de pouvoir se sentir aussi seul quelque part : le malaise est tellement lourd qu’il en est préhensible. T’as envie de te barrer avec le tien sous le bras : salut les moches et à jamais. Pourtant, tu ne le feras pas. Tu sais que ce soir, c’est ta dernière chance, pour te racheter auprès de Talulah. Tu sais que t’as merdé, mais t’as l’impression, aussi, qu’elle exagère. Ok, t’as été absent. Mais ta carrière valait carrément plus le coup que tout le reste, pour toi. Qu’on en te fasse pas dire ce que t’as pas dit : t’oublies pas d’où tu viens, malgré ce que peut te reprocher ta mère, t’as juste pas le temps. business is business. Toujours entre deux coups de téléphone ou deux avions, comment es-tu censé prendre du temps avec elles ? Impossible. Ton père, lui, te comprend. Il n’a quasiment pas été là pendant ton enfance, mais il a eu le mérite de réussir sa vie… Toujours entre deux coups de téléphone. Et deux avions. Logique, quand on est pilote de ligne. Certaines mauvaises langues pourraient dire que tu reproduis les erreurs de tes aînés, toi, t’aurais plutôt tendance à dire que tu réussis, comme en atteste ton compte en banque. Tes détracteurs sont des rageux. Pas d’autre choix pour ce soir que de te tenir à carreaux dans le but de vendre l’asso, t’as une flemme incommensurable. Tu t’imagines n’importe où ailleurs, en boite, en soirée, ou dans n’importe quel endroit branché où tu pourrais encore un peu plus te faire remarquer.

Poker face, tu déambules, te frayant un chemin entre les culs pincés, prenant une gorgée de ta coupe de champagne, puis deux plus… please kill meee I wanna be drunk so haaard !  que te hurle ta conscience : Jiminy Cricket a bien changé. Perdu dans tes pensées, tu prends une photo pour Tal’. L’assemblée, elle, semble s’éclater : ça fait au moins une partie de la salle. Tu t’apprêtes à lui envoyer l’un de ces messages acerbes, du genre qui font comprendre que, pauvre Marley, tu t’ennuies au milieu de gens tout aussi riches que toi : pauvre chéri. T’es arrêté dans ton élan, secoué par un coup de plein fouet. Tu t’apprêtes à râler, comme sorti de ton papier bulle un peu trop brusquement quand… t’es coupé net par le spectacle qui t’est offert. Clairement pas le genre de fille sur lesquelles tu t’arrêtes habituellement, tu te demandes d’abord ce que fait cette brunette ici. Pas que tu doutes de sa légitimité à être ici, mais elle dénote dans le paysage, pour sûr. Tu ne captes pas tout de suite que ta chemise est trempée – pour être honnête, tu t’en foutrais pas mal, si tu l’avais réalisé. Tu ne comprends pas. Tu bégayes. « merde ? Euh… non, moi c’est Marley enchan... » té. T’as pas le temps de finir ta phrase qu’elle a déjà pris la fuite. Tu restais incrédule, tout à coup seul dans cette putain de salle, ton regard incapable de décrocher de la silhouette de la brunette qui s’éloigne. Qui a dit que cette soirée était ennuyeuse ? Oh, wait. Non, pas toi, absolument pas. T’aurais voulu la rejoindre, lui proposer une autre coupe, ou n’importe quelle autre chose qui aurait impliqué qu’elle reste encore un peu avec toi ; mais on t’appelle. Tu ne réponds pas tout de suite, perdu dans tes pensées, bringuebalé de poignées de mains en discussions inintéressantes, de phrases toutes fêtes en préparation à monter sur scène. T’as pas prévu de change. Eh merde. Tu peux pas monter comme ça. Tu peux pas non plus tourner la situation incongrue à la blague sans te montrer indélicat avec la jeune femme. Plan b : tu fermes la veste de ton costume, espérant cacher le massacre dont t’as fini par avoir conscience en te demandant pourquoi diable t’étais mouillé : te rappelant de vieux commentaires de profs sur tes bulletins Marley Burberry ? Comprend vite, à condition qu’on lui explique longtemps. Une fois l’attention du plus grand nombre captée, tu cherches la brunette du regard, mais tu la trouve pas. Ca te déçoit presque. Tu relèves ton regard, comme si de rien n’était, essaies de ne pas te laisser désarçonner par son absence de ton champ de vision, et commences ton speech. Trois blagues, un peu de pathos, le champ d’action et quelques chiffres plus tard, tu descends de scène, satisfait de voir quelques gros poissons arriver en banc : visiblement, la pêche a été bonne. Tu remarques finalement la jeune femme au milieu de la salle, tout à coup nettement moins pleine, qui s’accroche au tien. Tu lui adresses un sourire digne d’une pub de dentifrice et écourtes aussi rapidement que possible sans mettre à mal les promesses de don. Tu veux lui parler mais… bon sang pourquoi faut-il qu’elle disparaisse encore ? Frustré de n’avoir pas pu revenir vers elle, tu décides d’une pause bien sentie. Tu sors, paquet de clopes en main et t’exclames en voyant la silhouette avachie contre la voiture d’un de ceux à qui tu viens de soutirer un maximum d’oseille « je t’en supplies, dis moi que t’as du feu ! » bien évidemment, t’as un briquet. Mais t’es pas certain que commencer une discussion par « joli bas résille » soit la meilleure technique d’approche. Une fois ta cigarette allumée, tu t’adosses toi aussi à la voiture la plus lustrée du parking « je te parie ce que tu veux que quand on va se redresser, nos derrières vont être aussi shiny que la mercos de cet abruti de Wood. Faut pas qu’on la raye. Il a promis un paquet de thunes à l’asso. » tu ricanes bêtement et finis par demander « au fait… euhm… t’es partie trop vite, tout à l’heure. J’ai pas eu le temps de retenir ton nom, désolé. » ou plutôt : elle n’avait pas pris le temps de te le donner, tout est une question de point de vue. Tout ce que tu veux, c’est ne pas avoir à l’appeler « la jolie fille du Gala », lorsque tu reviendras à ta petite vie tranquille.

En entendant la voix de celui qu’elle espérait pourtant fuir en sortant fumer une clope, Eryn sursauta violemment, prise de court. Un juron s’échappa même de sa bouche. Personne ne la connaissant un temps soit peu ne serait étonné de l’entendre jurer, cependant : elle était connue pour son vocabulaire fleuri, l’avait développé à l’adolescence pour faire chier son père et ne s’était pas arrêtée depuis, surtout en présence de ce dernier, surtout en situation délicate (comme ce soir, justement). « Ah, la technique du feu, on me l’avait encore jamais faite celle-là, tiens. », grommela-t-elle cependant dans une tentative plutôt réussie de garder la face. Encore une fois, il était absolument hors de question qu’elle fasse plaisir à David O’Hare ce soir. Il était donc par conséquent absolument hors de question qu’elle rentre dans le jeu de Marley fucking Burberry, quand bien même l’aura qu’il dégageait la désarçonnait. La fuite, donc, lui semblait une option parfaitement respectable, et elle comptait bien pour ce faire se rendre le plus désagréable possible. Elle maîtrisait après tout la technique à merveille, sans parler de sa resting bitch face naturelle qui lui rendait bien des services. « T’as de la chance, je l’ai pas encore perdu. » Elle fouilla dans son sac et en sortit son briquet qu’elle tendit au blond. Il était grand, il allumerait bien sa clope tout seul.

Et puisqu’il ne semblait pas vouloir lui foutre la paix, une réalisation qui lui plaisait bien plus qu’elle ne se permettrait jamais de l’avouer, Eryn attendit patiemment qu’il termine de raconter sa petite histoire de Mercedes et de cul brillant, un sourcil haussé dans un air dubitatif. La brune ne releva délibérément pas sa petite blague, trop occupée à se persuader qu’elle ne ressentait rien, sûrement pas cette bouffée de chaleur qui n’avait rien à voir avec son rictus de merdeux, mais relevaient plutôt de ses hormones. Ses règles arrivaient, voilà tout. Pour se donner un peu de contenance, elle tira sur sa clope, et puisqu’elle ne semblait pas réceptive à sa première tentative, Marley opta visiblement pour quelque chose de plus… frontal. « Je ne te l’ai pas donné, surtout. », répliqua-t-elle dans un souffle, se persuadant qu’il ne méritait pas de connaître son prénom parce que ça lui ferait trop plaisir et qu’elle ne comptait pas lui flatter l’ego, lui qui avait réussi à lui parler d’argent en moins de deux minutes. Sans lui donner ce qu’il voulait, donc, elle se tourna vers le boxeur et le regarda dans les yeux pour la première fois, ignorant les signaux contradictoires que lui offraient son corps : « Du coup, ton but c’est de draguer les meufs pétées de thunes pour qu’elles te filent du blé ? Parce que si c’est ça, I hate to break it to you Marley Burberry mais j’accompagne juste mon père, c’est lui qui a le portefeuille. Perso je suis à découvert depuis trois jours, alors tu vois, je peux pas cracher sur de la bouffe gratuite, c’est pour ça que je suis là. » Eryn haussa les épaules, désinvolte. « Mais je peux te le présenter, mon père je veux dire, comme ça on pourrait passer le moment où tu me fais miroiter que je te plais et aller directement à celui où tu lui cires les pompes pour vider son compte en banque. »

« ah, la technique du feu, on me l’avait encore jamais faite, celle-là, tiens ? » T’as marqué un temps d’arrêt. Tu lui aurais bien envoyé un « qui a dit que je te draguais ? » condescendant ? Ouais clairement, tu l’es et tu t’en caches pas. Mais tu n’es pas quelqu’un de méchant. Un peu abruti sur les bords, à en juger par tes façons d’agir avec autrui. Surtout quand l’autrui en question est la fille la plus inaccessible du lycée. Marche aussi avec tout type de structure ou d’évent. Comme ce soir, justement. Elle a un truc qui te plait. Le genre à n’en avoir rien à foutre de ce foutu gala, de ne demander qu’à se barrer. Si t’avais pas promis à Talulah de récolter quelques ronds pour l’asso, il est d’ailleurs tu n’aurais probablement même pas daigné te déplacer, préférant une ou l’autre des soirées branchées que tu avais en vue plutôt que du caritatif. Dans tous les cas, tu commences à saturer de la soirée, et tu comptes bien lier l’utile à l’agréable. Mais au ton de la jeune femme, t’es plus très sûr. Tu ranges ta condescendance et tu hausses les épaules « hey, on se calme. J’ai vraiment plus de feu. » t’as arqué un sourcil et allumé ta cigarette après l’avoir rapidement remerciée d’un signe de tête. Aussitôt, t’as rendu son briquet à la brunette, bien plus nerveux quec ce que t’aurais bien voulu admettre. Voilà pourquoi tu sors des dingueries plus grosses que toi. Tu te sens ridicule, silence de plomb qui s’installe entre toi et la jeune femme mais il est trop tard pour arrêter : tu finis ta phrase toi même embarrassé par ton histoire à dormir debout qui ne lui fait pas frémir un cil. Alors t’embrayes, plus sobre. Et c’est le coup de grâce. Effectivement, elle ne te l’a pas donné, son nom. Et t’avais cru être assez malin pour le demander discrètement. Tu parles. Les pieds dans le plat, ouais ! Tu t’es raclé la gorge et t’as ri légèrement « ça explique pourquoi je ne l’ai pas retenu, j’imagine ? » tu lui adresses un léger sourire, et tu tires sur ta cigarette, un sourire amusé sur le visage « c’est vraiment l’impression que je t’ai donné ? Désolé de te décevoir. J’suis juste censé représenter une asso mais je crève d’envie de me barrer plutôt que de rester avec des gens aussi barbants. » t’as haussé les épaules et tu l’as laissée finir son discours, visiblement ta réputation te précède, qu’elle soit fondée ou non. Tu t’es contenté de relever ton regard sur elle, légèrement moqueur « ça dépend. Les dons de ton père, c’est des packs de Guiness ? J’ai comme envie d’une bière en ce qui me concerne. Pas toi ? »

Ca explique pourquoi je ne l’ai pas retenu, j’imagine ? Un sourire amusé se dessina malgré elle sur les lèvres d’Eryn tandis qu’elle haussait les épaules. Et merde. Elle était supposée jouer son rôle de bad bitch pour ne pas tenter le destin… C’était visiblement raté. Ou bien elle n’avait pas envie d’essayer, d’où sa maigre tentative de répartie suivante : « Well, je dirais pas non à une bière, mais étant donné que tu viens de taxer mon père de mec barbant, je pense qu’il faut pas compter sur lui pour te filer grand-chose. », ricana-t-elle après avoir expulsé un dernier nuage de fumée dans la direction opposée au jeune homme. Peut-être qu’il ne méritait pas qu’elle soit aussi désagréable, finalement. Elle pourrait essayer de doser un peu, même si une partie d’elle se demandait s’il ne s’était pas silencieusement mis au défi de la dérider… auquel cas ça avait fonctionné. De toute façon, il lui avait tapé dans l’œil dès qu’elle l’avait vu, et qu’elle le veuille ou non, à présent qu’il avait ferré son regard, elle en était rendue à se retenir de sourire bêtement à des interventions pourtant pas si rigolotes. Elle redoubla donc d’efforts pour garder sa contenance tout en baissant un peu sa garde. L’air désinvolte, elle envoya valser son mégot d’une pichenette et fouilla son sac à main dans lequel elle repêcha une petite bouteille de vodka. Toujours venir préparée. « Sinon, j’ai ça. », elle déclara en haussant les épaules. « On ira pas loin mais c’est un bon début. » Probablement qu’il n’avait pas fini de jouer aux politiciens pour ce soir, de toute façon. Il lui faudrait bientôt jeter sa clope pour retourner serrer des mains en donnant l’impression de jouer sa vie, et il valait mieux qu’il ne soit pas ravagé s’il voulait convaincre les vieux riches de lui filer des thunes.

Elle ouvrit donc la bouteille et la lui tendit. Les doigts du boxeur effleurèrent les siens et elle eut toutes les peines du monde à ne pas retirer rapidement sa main de surprise à ce contact. Son regard se posa sur Marley, détailla les traits de son visage de profil. Après quelques secondes cependant, elle détourna les yeux, soucieuse de son image – ew, Eryn, pas toi -, et s’adossa à nouveau à la voiture. Après quelques secondes de silence, elle grommela : « Désolée pour ta chemise, au fait. J’espère qu’elle est pas foutue. » A en écouter ses hormones, elle était bien capable de lui proposer de ruiner sa robe pour compenser, mais elle se retint – pour des raisons évidentes de décence, d’abord, mais aussi parce qu’ils avaient échangé trois mots à peine et qu’elle n’était tout de même pas si désespérée… n’est-ce pas ? N’est-ce pas ?

Well, shit.