Harry repose son téléphone sur la table de nuit. Il est assis dans son lit, le dos calé contre la tête de lit, ses lunettes toujours sur son nez. Curieusement bien plus calme qu’il ne l’aurait cru. Cette conversation qu’il va peut être avoir avec Agnes, il l’a imaginée à plusieurs reprises ces dernières semaines. Il s’est demandé ce qu’il allait lui dire, ce qu’il avait envie de lui dire. En réalité, et même s’il ne l’admettra jamais, c’est sans doute un peu Damian qui lui a ouvert les yeux sur la situation, ou en tout cas, qui lui donnera l’impulsion d’avoir moins peur. Depuis plusieurs semaines, Harry se questionne, et Damian représentait jusqu’à présent une barrière, le fiancé d’Agnes. Puis ils se sont disputés, elle et Damian, et il a dit toutes ces choses qu’Harry a perçu de la pièce de musique où il donnait cours, et maintenant, il n’arrive plus à penser à autre chose. Agnes se comporte parfois de manière un peu étrange, aussi, comme ce soir avec les SMS un peu passionnés qu’elle vient d’envoyer. Il a besoin de parler, de discuter, de comprendre. Il se sent un peu idiot, aussi, un peu stupide de ne pas avoir su ouvrir les yeux plus tôt, pour voir ce qui semblait être sous son nez. L’idée elle-même lui parait inconcevable – est-ce qu’Agnes l’aime ? Il n’a pas l’impression de mériter ça. Il a l’impression que c’est trop beau pour être vrai, et voilà que soudainement, il se prend dans la figure la vague d’amour que lui-même ressent. Pour elle. Il aime Agnes. Depuis combien de temps ? Pourquoi n’a-t-il pas ouvert les yeux plus tôt ? Marianne avait-elle raison ? Autant de questions qui, en ce moment, l’empêchent de dormir.

Mais avant toute chose, il doit savoir si elle projette toujours de se marier. Parce que dans ce cas là, il n’est pas certain d’avoir le droit de gâcher son mariage – même s’il se sent obligé d’aborder les questions soulevées par Damian quelques jours plus tôt. Il inspire, et secoue la tête, pour arrêter le flux incessant de ses pensées dans son cerveau. Agnes pousse la porte, et il lui offre un sourire, tapotant sur le drap à côté de lui, là où l’attend une place libre.

- Hey, thanks for coming…

Il sourit un peu plus et la laisse s’installer, repensant à la vague de stress qu’elle a semblé ressentir à l’évocation d’une personne qu’il pourrait aimer.

- Are you okay ?

Agnes se lève de son lit, pose son téléphone sur la table de nuit, elle n’en aura visiblement plus besoin pour ce soir. Elle en a trop dit, ou pas assez, mais la confrontation avec Harry est inévitable. Le coeur d’Agnes s’emballe alors qu’elle descend les escaliers pour rejoindre la chambre de son meilleur ami qui lui non plus n’a pas décidé de sombrer dans les bras de Morphée malgré l’heure tardive. Des soirées comme celles-ci, ils en ont eu d’autres. Souvent, Agnes l’a rejoint dans cette chambre sans même y avoir été invitée. Des baisers alcoolisés, ils en ont partagé également, de temps à autre, mais aujourd’hui tout est différent. Harry l’invite à venir parler, parler de toutes ces choses qu’ils ont refusé d’aborder par peur d’ombrager leur amitié qui dure depuis tant d’années.

Agnes tremble, hésite à faire demi tour, emmitouflée dans un peignoir qui protège bien mal son coeur qui pourrait manquer un battement avec tout ce stress qu’elle s’impose. Plus question de faire demi tour et pourtant Agnes en vient à se demander si elle a véritablement le courage de laisser son coeur parler pour elle. D’ordinaire elle est celle qui parle trop, qui regrette bien souvent des déclarations impulsives qui auraient bénéficié d’un peu recul avant action, mais ce soir elle craint que les mots ne restent étranglés dans le fond de sa gorge. Il y a cinq ans de cela, Agnes en aurait eu le courage, mais aujourd’hui, la comédienne a peur de voir son quotidien basculer. La situation dure depuis dix ans et d’une certaine manière cela rend les choses plus terrifiantes.

Elle ouvre la porte et se glisse aux côté d’Harry en se mordant la lèvre, clairement, elle ne sait par ou commencer et Harry ne le fera sans doute pas à sa place.

- I am, I’m sorry if I was intense, but I usually am. I just have a lot on my mind lately…

Agnes s’installe à ses côtés, et malgré l’agitation de son coeur, Harry se sent aussi un peu apaisé. Il est temps de calmer la tempête de son cerveau, il est temps de trouver des réponses, d’arrêter le déni, le secret, et tous ces sentiments qui se bousculent. Il a essayé de mettre de l’ordre dans ses pensées, d’y voir un peu plus clair, de comprendre ce qui avait bien pu justifier qu’il passe toutes ces années dans un déni aussi violent. Le plus douloureux est sans doute de se demander si Marianne avait raison. Aimait-il déjà Agnes lorsqu’ils étaient encore mariés, lorsqu’ils se sont rencontrés, sur les répétitions de Phantom la première fois ? Et les années qui ont suivi ? Ils se souvient de quelques baisers, de moments de tendresse volés au temps qui passe, avant l’accident, il se souvient de ce qu’il ressentait quand son couple a commencé à partir en vrille et qu’il se réfugiait dans la patience d’Agnes, dans son affection, dans ses gestes tendres et experts. Leur voyage à Londres, leurs soirées, l’audition pour Phantom, et tellement d’autres choses. Avec l’accident, il a mis toutes ces pensées entre parenthèses, et il les a oubliées lorsqu’elle a rencontré Damian, lorsque le ténor l’a demandée en mariage. Et voilà qu’il rouvre la boîte à souvenirs, qu’il se prend tout dans la figure, et que l’idée qu’elle puisse vouloir encore l’épouse, lui, le rend malade, torture et agite son coeur. Quand elle l’a fait venir l’autre jour, il a bien pensé que la partie était perdue, terminée. Et puis, Damian a eu cette analyse, ces mots plus hauts que l’autre, ces vérités bizarres qui résonnent différemment de ce qu’ils ont l’habitude de montrer.

Harry ne sait pas si Agnes a renoncé à l’épouser. Il ne sait pas s’il peut se montrer égoïste, s’il a le droit de s’ouvrir sur ce qu’il pense au risque de la perturber, de la bousculer, de faire qu’elle change d’avis, ou qu’elle n’ait simplement plus envie de l’avoir dans les pattes. Mais si Damian, aussi douloureux que cela puisse paraître, a une once de vérité dans ses paroles, il faut qu’il tente de le coup. Il la rendra bien plus heureuse que Damian, en tout cas, il n’aura de cesse d’essayer. Pour commencer, il l’aime comme elle, sans voir les défauts que d’autres lui prêtent volontiers, sans pitié.

Mais avant ces considérations, la route est longue, et il lui faudra trouver le courage d’affronter ses démons, ses peurs, sa réserve, son égo surdimensionné qui parfois - trop souvent, sans doute - l’empêchent d’avancer.

- What’s on your mind, angel? Do you want to share it with me?

Il attrape sa main délicatement sur les draps lisses et soyeux.

- That way maybe I can share what’s on my mind, too?

What’s on her mind ? Vaste question et Agnes doit bien avouer qu’elle ne sait pas par ou commencer ? Beaucoup de choses lui occupent l’esprit et une partie de ces choses s’avère être ces sentiments qu’elle murit à l’égard d’Harry depuis des années. Cela parait si simple sur le papier de lui confesser ce que son coeur lui crie depuis qu’ils se sont croisés sur la scène de Broadway et pourtant les mots peinent à trouver la forme adéquate pour s’exprimer pleinement. Agnes est là, presque blottie contre son britannique, qui semble ouvert à avoir cette conversation avec elle alors qu’à l’inverse, elle se laisse submerger par des craintes qui se sont installées avec le temps. Agnes a peur du jugement, de la distance qu’il pourrait imposer en découvrant la mascarade qu’elle lui sert depuis qu’elle lui a proposé de vivre ici à Manhattan avec elle. Agnes n’a pas été honnête avec lui, et elle ne l’est pas plus aujourd’hui. La situation est risible, et même Damian est présentement en train de l’encourager à avoir cette conversation tant redoutée…

- So many things, Harry, if only you knew…

Mais c’est bien cela le problème, il ne le sait pas, ou alors s’en doute sans avoir envie de l’encourager dans cette voie, ce qui serait bien pire encore que de se complaire dans le déni à ce point et de n’en avoir aucune idée.

- I’m scared to share it with you, that’s my problem. I don’t want to lose you or any of this so stupidly because I can’t seem to keep my mouth shut. Damian said some things that were true, about me, about us. Marianne said those things too before that and we can’t just brush it off like that once more. What we’re doing, it’s not right, we’re living a lie and sometimes we hurt people doing so…

Agnes est bien consciente que l’absence de contexte ne l’aide pas à se montrer claire, peut-être aurait-elle dû annoncer les choses différemment, sous un angle plus positif, mais c’est sa façon à elle de se préserver. Agnes ne veut pas se laisser séduire par l’idée qu’il puisse avoir envie d’être avec elle, si c’est pour se retrouver confrontée à un rejet qu’elle ne serait pas en mesure d’encaisser. Agnes tente d’établir un contact visuel avec les yeux translucides de son ami, mais déjà sa gorge se serre à l’idée d’un rejet de plus de sa part.

- I think I’ve been in love with you for many years and no matter how hard I try I can’t seem to move on. As a result I feel stuck and frustrated in that life I am living and maybe Damian is right, that I’m not trying hard at all because I keep hoping that someday you’ll feel ready to be with someone, with me ? But I can’t go through this again. If you were to fall in love with someone else, I wouldn’t be able to cope with it and pretend I’m okay this. I’m everything but okay with that. It would be devastating.

Agnes semble avoir envie de se confier, et s’installe à côté de lui, sur son lit. Il soulève la couverture pour qu’elle puisse se glisser sous les draps, car l’air de New-York commence à rafraîchir, et qu’il est tard. Le coeur d’Harry bat la chamade dans sa cage thoracique, et il peine à réfléchir. Il s’est joué la pièce de cette conversation plusieurs fois dans sa tête, depuis qu’il sait qu’il veut l’avoir, mais il n’est jamais parvenu à deviner ce qu’il pourrait s’y passer. Pourtant, les mots de Damian, volés à travers la porte, lui reviennent en mémoire sans cette, résonnent partout dans son esprit fatigué. Mais c’est à elle que revient l’honneur de cette conversation, Agnes qui commence par expliquer qu’elle a peur et dont il prend la main pour lui donner du courage. Le perdre ? Comment pourrait-elle le perdre un jour ? Harry ferait n’importe quoi pour elle. Même s’il n’était pas amoureux d’elle, ce qui serait une aberration, mais même si ce n’était pas le cas, il serait prêt à l’épouser. Elle est son monde entier aujourd’hui, à quelques détails près, son inspiration, son courage, sa muse, son amie, déjà son épouse, sans doute. Que ne ferait-il pas pour Agnes ? Rien, sans doute. Le perdre, elle ne le pourra jamais, mais sans doute faudra-t-il encore qu’il la rassure sur ce point.

Vient Marianne, et Damian, les deux esseulés qu’Agnes décide de mettre dans le même panier. Harry sait très bien que cette conversation va le perturber encore un peu plus - pas vis-à-vis du présent, mais plutôt par rapport au passé. Il pensait sincèrement aimer Marianne comme il se voyait l’aimer, d’un amour pur et inconditionnel. Il s’est trompé. Il le réalise, petit à petit, il comprend. Comme s’il avait déjà un peu eu cette conversation avec Agnes, qu’il avait déjà ouvert les yeux une fois avant d’oublier pour toujours, presque.

Il a fait souffrir Marianne, Agnes le dit simplement, comme elle le pense, et si elle le pense, et que son ex-femme le pense aussi, sans doute ont-elles raison. A quel moment est-ce qu’il a dérapé, dévié ? Il n’arrive plus à dater le coup de foudre. Il n’arrive plus à se souvenir à quel moment exactement Agnes est devenue une maîtresse, une petite amie. Il pensait que les choses étaient simples, qu’il était marié, et que tant qu’on ne le trouvait pas dans le lit d’une autre, il était fidèle, il avait tort, apparemment. Tout ce temps, alors qu’il s’imaginait la victime d’un divorce douloureux, le mari rejeté pour son caractère, pour ce qui composait sa personnalité, il était l’origine du mal, la cause du divorce et de la séparation, le responsable, l’infidèle. Il a eu le temps d’envisager la question, l’entendre n’est pourtant pas si facile, même toutes ces années plus tard. Il laisse Agnes terminer, en tout cas, aller au bout de la première salve de pensées, observe leurs mains liés sur le drap gris, le chat en boule à ses pieds, il écoute les battements assourdissants de son coeur et inspire pour calmer le tumulte de ses pensées qui l’assaillent de toute part. Lui non plus, il ne sait pas par où commencer. Lui non plus, il n’est pas sûr de trouver les mots pour mettre du sens à ce qu’il s’apprête à dire.

- I don’t love anyone else. I’m not falling in love with anyone, I’m not seeing anyone. I heard some of the words that Damian said, on that day, when he was there, and... it made me realise that I didn’t want you to marry him. Not because I hate him or think he’s stupid, even though, honestly, I think all this as well, but because I don’t want you to be married with anyone... else. I don’t want you to be forever taken by someone else, it’s hurting, it feels unfair, and wrong, and stupid, and a waste, because Damian can’t take care of you, he can’t love you as much as...

Harry s’arrête, un instant, inspire. La dévisage, avec ses yeux clairs, humides, si proche de lui, l’air un peu perdu, un peu triste aussi. Il n’a pas réfléchi à ce qu’il voulait lui dire, et voilà que son coeur le mène vers une déclaration, un peu malgré lui.

- Damian can’t love you as much as I love you.

Il secoue la tête, baisse les yeux, et caresse un peu le dessus de sa main pour se distraire, reprendre contenance.

- I understand why you didn’t tell me. You couldn’t lose me, though, I can’t live without you and I mean, I can’t picture my world without you in it. I think I would have ended up understanding things if it wasn’t for the accident? But then, this happened, and I got to the point where I actually thought I would end up alone, disabled, unable to have children, divorced. It took me years and even now, I’m still wondering if I’m able to make anyone happy, and then I remember how you are when you’re with me, and then I compare, and I see what he did, and yes I’m not the best option in the world but I would never intentionally hurt you like that, never.

Il soupire, bien conscient que Damian est un peu trop présent dans la conversation, mais en même temps, il a l’impression de devoir plaider sa cause, et que s’il ne le fait pas, elle risque de choisir d’aller au bout de son idée de mariage.

- So I’m not saying I’m fully ready because I don’t think I’ll ever be? I’m scared, too. I’m terrified to realise in a few years that you could have been happier with someone else, but you know better than me most of the time. Apart from that, I don’t see why, or how, or under what circumstances, I could not be fully, deeply, completely in love with all of you. You’re perfect to me and even more perfect for me?

La main d’Harry rejoint la sienne comme pour l’encourager à poursuivre cette conversation qui, si elle est libératrice d’un poids que l’actrice porte avec elle depuis des années, n’en reste pas moins difficile à avoir. Le regard d’Harry n’affiche aucune terreur cela dit, et Agnes trouve le courage de poursuivre malgré les palpitations de son cœur qui continue de protester. Elle s’ouvre, avec toute la douleur des années à garder un secret trop lourd pour elle, mais pose ses limites également, car si Harry ne souhaite pas être avec elle, il est sans doute temps pour la jeune femme de prendre la distance dont elle a besoin pour passer à autre chose et s’offrir une chance de trouver l’amour avec une autre personne. Cela porterait un coup évident à leur amitié mais les choses sont allées trop loin, s’ils sont honnêtes, Harry et elle savent très bien qu’ils ont couvert leurs dérapages sous une bonne couche de mauvaise foi et déni. C’est aux mêmes situations impossibles qu’ils sont néanmoins ramenés par manque de sincérité.

Agnes finit son discours, puis Harry se lance à son tour ayant visiblement son lot de choses à dire à ce sujet. Il commence par lui annoncer qu’il n’est épris de personne d’autre et sa main toujours dans la sienne, Agnes réalise que ses craintes pourraient bien être infondées finalement. Le soulagement se fraye un chemin jusqu’à son cœur et la jeune femme lui offre toute son attention. Un comble sans doute, alors qu’elle boit chacune de ses paroles pour tenter d’en saisir toutes les subtilités plutôt que l’essentiel. La comédienne doit savoir ce qui se trame dans l’esprit complexe du britannique, lui qui tout comme elle a parfois tendance à se disperser dans ses explications. Si Agnes donnerait n’importe quoi pour être avec son anglais, elle ne souhaite pas non plus qu’il se sente pris au piège et enfermé dans une relation qu’il aurait l’impression de lui devoir pour une raison ou pour une autre. Harry lui explique dans un premier temps qu’il ne souhaite pas qu’elle se marie, et ce qui aurait pu être à propos de Damian et la relation negative qu’ils entretiennent tous les deux ne l’est finalement pas vraiment. Tout comme Agnes, Harry pressent le menace que représente ce mariage pour leur vie a deux, cette intimité à laquelle ils se sont habitués mais aussi et surtout à laquelle ils ne sont pas prêts à renoncer. Harry finir par lui confesser ses sentiments et Agnes a tellement imaginé ces mots franchir la barrière de ses lèvres, qu’elle n’est même pas sure qu’elle ne les a pas rêvés. Son cœur se remet à s’agiter, mais elle n’ose pas l’interrompre.

Harry poursuit en expliquant sa situation, ses insécurités… Agnes qui en avait eu un aperçu lors de leurs nombreuses conversations existentielles prend conscience de l’ampleur de celles-ci et ce qu’elle entend lui brise véritablement le cœur. L’actrice s’apprête à lui couper la parole pour réagir vivement et le rassurer, mais se retient en se mordant la lèvre inférieure pour ne pas succomber à cette bien mauvaise habitude qui ne l’a jamais quitté.

- What you’re saying is that you love me, and that’s enough. That’s all I ever wanted from you ? I never asked for anything else Harry…

Agnes le connait mieux qu’elle ne se connait elle-même. Ils vivent sous le même toit depuis des années et ils savent tous deux que leur relation fonctionne sous tout point de vue. Elle caresse doucement son bras cherchant à lui témoigner toute la tendresse qu’elle éprouve à son égard.

- Maybe today I would dare to ask for a little more, like a life with you as your love and partner. Of course, I hear that you don’t feel completely ready and I would never force you to do anything you don’t want to do, but if I am completely honest I don’t think I can wait any longer for you to realise you’re not just a better option than Damian for me. You’re my soulmate Harry, and I kept hoping all those years you would see it too someday. I could never get over you ?

Le coeur d'Harry bat la chamade dans sa cage thoracique. Sans qu'il ne l'ait su avant, le voilà soulagé d'un poids. Comme s'il se délestait d'un lourd secret, sauf qu'il n'avait jusqu'à présent pas vraiment conscience du secret qu'il gardait. Le fait de s'ouvrir lui permet à lui aussi de comprendre exactement ce qu'il ressent, et il accueille les sentiments tels qu'ils viennent. Maintenant qu'il a les yeux relativement ouverts, il doit bien admettre que la situation revêt une certaine forme de logique. Il s'entend bien mieux avec Agnes qu'avec toute autre personne ayant partagé sa vie de prêt ou de loin, et il ne peut pas vraiment songer à un seul de ses défauts qui le tiendrait potentiellement à l'écart d'elle. Il aime Agnes telle qu'elle est, toute entière. Elle le complète, elle le stabilise, elle l'apaise. C'est tellement logique que ça lui fait mal au coeur de réaliser à quel point il a mis du temps à comprendre ce qu'il avait sous le nez.

- It's not about me being ready, honestly. I don't think I'll ever be more ready than I am now, it's... Some things, that are still in my mind because of what I've been through with Marianne, and the accident, and everything. But you, and me, if we try this, if we decide to be together, I guess it'll prove me wrong anyway? If I'm your soulmate and you're my soulmate, then what else is so important?

La solitude commence à lui peser, et Arash l'a senti, c'est la raison pour laquelle il a tenté de le pousser à fréquenter les sites de rencontre et autres joyeusetés. Mais elle, elle cherche l'amour depuis qu'il la connait, et il ne croit pas une seule seconde qu'elle n'ait réussi à trouver personne qui soit capable de l'aimer comme elle le mérite. Ils sont forcément absorbés dans quelque chose, dans une histoire qu'ils ne maîtrisent pas, et s'il est tout à fait honnête, à certaines périodes de leurs vies, ils n'ont pas été loin d'être en couple.

- I want this to end, the loneliness, not daring, expecting you all the time... I think we deserve to be happy and in peace? And I swear I want to use my time to try to make you as happy as you can be. Even though I'm not perfect and even though I have doubts.

Il prend sa main et la caresse doucement. L'idée qu'elle puisse penser à laisser du temps, encore, avant qu'ils n'officialisent, lui serre le coeur. Il n'a plus qu'une envie, maintenant, la prendre contre lui, l'embrasser doucement, caresser ses cheveux, embrasser sa nuque.

- I'm so sorry it took me so long to understand. To open my eyes on you, on us, on the situation. I'm sorry you suffered during all these years because I was stupid and slow.

Agnes a le coeur qui bat trop vite, mais c’est une conversation qu’elle a évité pendant de nombreuses années et qu’il est aujourd’hui plus complexe que jamais d’avoir avec un homme qui est non seulement son âme soeur, mais aussi son meilleur ami. Nier l’évidence une fois de plus aurait bien fini par tuer l’espoir niché encore et toujours au creux de son coeur mais Il fallait bien qu’elle s’exprime, qu’elle prenne son courage à deux mains car la situation devenait impossible à gérer, pour eux, mais aussi pour les personnes impliquées dans cette histoire sans fin. Agnes n’a jamais voulu blesser qui que ce soit, mais force est d’admettre que le silence pesant de ses sentiments s’en est chargé pour elle. La comédienne laisse Harry s’exprimer sans l’interrompre, et encore une fois, il est bon de noter que ce n’est pas un privilège qu’il est aisé d’obtenir de sa part. Pourtant, elle s’y tient et hoche la tête en guise d’approbation, sa main rejoignant celle de son dreamer dans une recherche de tendresse et d’intimité longtemps déniée par ses craintes, visiblement infondées.

- That’s what I want too, and I guess in some ways we already have some of that, together ?

Agnes baisse légèrement la tête lorsque Harry mentionne une fois de plus les doutes qu’il ressent. La rousse aimerait que le britannique voit les choses de la manière dont elle les voit, les doutes balayés par l’assurance d’une vie commune douce et sans drames majeurs. Agnes a failli le perdre dans cet accident et c’est quelque chose dont il n’a pas vraiment conscience mais qui a changé les perspectives de l’américaine à travers le temps. Agnes a l’impression que ses propres insécurités sont bien secondaires en comparaison du bonheur qu’elle ressent chaque jour à l’idée que cette affreuse soirée ne lui ait pas arraché sa plus grande source de tendresse et de soutien. Elle est égoiste sans doute, mais elle aussi l’impression de voir les choses telles quelles sont. Emménager avec Harry était la bonne décision, et aujourd’hui elle ne voit pas comment ils pourraient ne pas faire fonctionner une relation qui a toujours été basée sur le soutien et la prévenance.

Agnes sourit, les larmes prêtent à rouler comme des perles le long de ses joues, puis sa main vient redessiner le visage de son anglais.

- You weren’t stupid, you were married and then you needed time to recover. We got the timing awfully wrong as always, but that’s what we do, don’t we ? My suffering is my own fault Harry though. I invested in today and look, it’s finally happening, so let’s applaud my resilience and say well done me!! Now… I do hope you plan on marrying me because I actively plan on ticking the British husband off my list…And to be honest rather sooner than later. I don’t want to wait another year for that.

Il a été un peu stupide, Agnes est sans doute la seule qui refuse de l'admettre à ce stade. Mais c'est vrai, elle n'a pas tort, qu'il a eu besoin de temps. Pour se remettre de Marianne, d'ailleurs, puis de l'accident. Cette phase de sa vie a été particulièrement complexe à gérer. Les mois qui ont suivi ont été un challenge, pour lui, pour sa famille, pour le divorce, pour Rose à Londres. Et il est facile d'oublier que le temps file après ça. Se réadapter à une nouvelle façon de vivre, apprendre à se servir des outils qui devraient être les siens. Composer avec le regard - et la pitié, souvent - des autres, avec sa carrière interrompue et sa voix affaiblie. Dans cet océan de bouleversements, il est vrai que la place pour l'amour, le flirt, et la réalité n'était pas grande, et c'est pour ça, sans doute, qu'il est passé aussi aisément et aveuglément à côté de l'essentiel.

Agnes attrape sa main, et l'émotion habille soudainement les traits de la rousse. Elle a sans doute raison, au demeurant, au delà des considérations de réalisation, de délais, et de compréhension, ils sont déjà presque ensemble, il leur manque si peu. L'habitude d'un baiser, les étreintes plus intimes, les gestes tendres décomplexés, mais en dehors de ça ? Tout le monde les traite déjà comme s'ils étaient en couple, quelque part. Cela dit, Agnes, qui a l'air de plutôt savoir ce qu'elle veut, est en train de lui parler mariage, et c'est une idée à laquelle il n'a pas vraiment eu le temps de penser, pour l'instant. Il retient un commentaire sur le fait que, d'abord, il n'était pas sûr de se remarier un jour, et qu'ensuite, il aurait préféré être valide pour marcher jusqu'à l'autel, reportant cette discussion à plus tard. Harry est un homme romantique, le mariage a toujours fait partie de ses ambitions. Son divorce lui a, pour sûr, mis un coup dans l'aile à ce propos, mais il n'a très certainement pas dit son dernier mot. Et s'il ne veut pas laisser sa situation embarquer tous les bons moments éventuels qu'il pourrait s'octroyer, il a besoin de temps pour se faire à l'idée de cette toute nouvelle vie qu'ils vont avoir, il a besoin de savoir avec certitude que cette vie qu'il peut lui offrir, c'est bien celle qu'elle veut. Ils ont beau être proches, ils ne sont pas officiellement ensemble - cela change très certainement la donne. En tout cas, cela a changé la donne quand il a épousé Marianne.

- Well done you, yes. Great investment, and great patience as well, thank you for all this, il répond, en caressant sa main avec une tendresse non dissimulée. For now, I mostly plan on kissing you, if that's possible? As the first step of any further and greater plan, that is.

Il l'observe du coin de l'oeil, un léger sourire figé sur ses lèvres. Son coeur bat lui aussi la chamade dans sa cage thoracique, et il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il s'est senti aussi vivant.

Harry évite de répondre à sa blague qui n’en était pas vraiment une et Agnes se demande s’il serait capable de refuser de se marier avec elle pour une raison ou pour une autre, intrinsèquement liée à Marianne, son ex femme. Alors que son cerveau tourne à vive allure et planifie déjà leur avenir commun en arborescence, Agnes n’a laissé aucune place à cette éventualité, elle doit bien l’admettre. Ce n’est pas un développement qui lui a traversé l’esprit à elle, dont les attentes sont souvent plus proches d’un téléfilm de Noel que de la réalité à laquelle ses partenaires la confrontent bien malgré elle. L’idée de ne jamais enfiler une jolie robe blanche en dehors des planches de Broadway est loin d’être réjouissante cela dit et la rousse espère que ce changement de conversation n’augure pas une multitude de conversations difficiles à venir, car elle ignore si son coeur pourrait survivre à ce nouveau retournement de situation. L’américaine a mis sa vie entre parenthèse pendant des années pour cet homme, et si elle ne peut décemment pas le forcer à se marier s’il n’en a pas envie, c’est seulement avec un soupçon de culpabilité qu’elle estime mériter cette reconnaissance qu’il n’a pas hésité à offrir à une autre femme dans le passé. Vera lui conseillerait probablement de calmer ses ardeurs et de ne pas prendre offense de ce manque de réaction à cette proposition prématurée, mais Agnes s’en trouve bien incapable.

- But you’d consider it right ? Marrying me ?

Sa main dans celle d’Harry, elle ne bouge pourtant pas d’un iota malgré l’invitation à plus d’intimité. Elle a besoin de savoir qu’elle ne s’embarque pas dans quelque chose qui n’aboutira pas à la réalisation d’un projet qu’elle murit depuis des années finalement. Si Harry n’a aucune intention de se marier avec elle, elle a besoin de le savoir avant de commencer à se faire des idées, quelque chose dont elle l’experte incontestée. Hors de question qu’un britannique de plus ne la fasse miroiter cela dit.

- If you wouldn’t I’d rather know now. And also why not because I’d need to know why this is such a scary idea to commit to me, even for my true love… ?

Agnes rêve d’être acceptée telle qu’elle est et avec Harry, elle ne s’est jamais sentie de trop ou inappropriée. Pour elle, aucun doute ne pourrait tenir la vision de leur vie future en tant que couple et elle a du mal à composer avec l’idée que des doutes puissent exister de son côté à lui.

Apparemment, il n'est pas possible de laisser le sujet de côté pour l'instant, et Harry observe Agnes sans dissimuler sa tendresse. Bien entendu, à sa place, bon nombre de personnes pourraient prendre peur. La réalité, c'est qu'ils ne sont pas encore ensemble, et que même s'ils se connaissent depuis 10 ans, qu'ils s'aiment et qu'ils ont l'habitude de vivre ensemble, on pourrait toujours considérer qu'il est un peu tôt pour parler déjà de mariage. Il le pense, d'ailleurs, il trouve qu'il est trop tôt. Mais objectivement, dans la mesure où il connait Agnes par coeur, il sait aussi qu'il serait bien injuste de lui refuser quoi que ce soit après qu'elle ait attendu aussi longtemps.

- Of course I will. Consider it, do it. We'll get married if that's still what you want when you have actually dated me for real.

Il caresse sa main avec tendresse, il serait bien incapable de trouver des raisons objectives de lui refuser ce mariage, en tout cas, de raisons qui la concernent elle.

- I would never find any good reason not to marry you as a a person, as a soulmate. Do I have doubts? Not really. Do I have fears? Well yes but they're not related to you, they're mine. It's about being in that chair instead of walking down the aisle, it's about a first failed marriage... Those reasons have nothing to do with commiting to you, though.

Il hausse une épaule et soupire un peu. De toute façon, comme il l'a déjà dit, il ne laissera pas ces raisons voler à Agnes une once de bonheur, et il ne dit pas les choses à la légère quand il lui promet qu'il fera tout pour la rendre heureuse.

- We'll do anything you want as long as it makes you happy.

On ne peut pas vraiment les juger pour avoir été trop rapides, de toute façon, sur ce coup. Il peut même entendre Marianne lui dire déjà qu'il a vraiment pris son temps depuis leur divorce pour se mettre enfin avec Agnes. Elle est là, dans un coin de son esprit, à se foutre de lui dans un semi-silence. Alors oui, ses doutes, son égo blessé, son image écharpée par le fauteuil qui l'accompagne partout, il mettra tout ça de côté pour l'épouser dès qu'elle sera certaine de son choix. Il ne peut pas imaginer qu'une telle perspective ne le rendrait pas heureux, de toute façon.

Harry a des doutes, mais des doutes qui n’ont pas grand chose à voir avec elle finalement. Agnes aimerait pouvoir les balayer, ne plus y penser, mais c’est bien compliqué pour l’actrice de concevoir qu’il puisse encore s’imaginer que leur couple pourrait ne pas fonctionner malgré l’amour mutuel qu’ils se portent. Pour Agnes l’idée d’un échec est tout bonnement impossible. Ils vivent ensemble depuis des années et si elle avait du s’offusquer, elle l’aurait fait pour les tasses  ou la musique qui trainent, les idées arrêtées d’Harry sur certains sujets ou ils peuvent se chamailler parfois. Agnes l’aime tendrement depuis des années, mais ce n’est pas un amour détaché de la réalité, ni même un amour idéalisé. Elle et Harry se connaissent par coeur et elle est convaincu qu’être avec lui la rendra heureuse, plus heureuse qu’elle ne l’a jamais été finalement. Un sourire s’étire d’ailleurs sur ses lèvres lorsqu’il la rassure sur le mariage. Date him for real, it’s the easy part.

- I can already tell I’ll want that, I don’t need any more time to be certain, I really am Harry, that’s what I want I promise. I don’t see what could be so disappointing about dating you anyway, like at all. You’re very caring and I can count on you, we live together and we can handle each other pretty well, which let’s face it is not something everyone can brag about in our lives. And… I love you ? I fancy you…

Les justifications d’Harry sont autres cela dit et Agnes réalise que focalisée sur son amour inconditionnel pour l’anglais, elle en oublie sans doute de prendre en compte les craintes du britannique sur sa mobilité et la manière dont elle pourrait affecter leur relation à long terme. Agnes n’y a pas réellement pensé c’est vrai, pour elle il est évident qu’ils trouveront un moyen de s’aimer et de surmonter les obstacles, d’ailleurs elle n’a jamais envisagé qu’Harry puisse marcher jusqu’à l’autel, et elle semble d’ailleurs assez confuse par cette suggestion. Puisque le sujet est abordé, elle en profite pour clarifier un point qui lui semble essentiel.

- Our marriage wouldn’t fail. We live together like a married couple already and we're fine even if you eat all my chocolate… As for walking down the aisle, the chair, that’s just how things are for you to be comfortable and do all the things you want to do ? It’s not something that would make our wedding less beautiful, it’s an aid, just a mobility aid, the same way I’ll take my meds that day as well because I function better with them that’s all. Believe me, I will be over the top and that will be much more than simply beautiful. I get that you had that idea of marriage in your head, things happening in a certain way, but we’re a bit different from other people you and I, and that’s okay. We don’t have to be like them and we don’t have to punish ourselves for having to do things in a different way either. We won’t be any less happy because we have our first dance in a wheelchair. What does your doctor say about all this anyway ? Did you talk it through with him ?

Agnes serre sa main dans la sienne blottie contre lui avec tendresse. La conversation qu’ils sont en train d’avoir n’est pas évidente, mais l’américaine souhaite s’assurer qu’il ne doute pas de son soutien dans cette histoire. Agnes n’a pas besoin qu’il s’épuise à tenter de marcher pour que ce mariage soit le plus beau jour de sa vie. Elle s’en voudrait terriblement si Harry venait à s’imaginer le contraire de sa part.

- I want you to be happy too... There's nothing I want more.

That and the wedding, obviously.

Agnes n'en démord pas, elle veut être avec lui et n'a apparemment aucun doute sur le fait qu'ils seront heureux ensemble. Il a lui aussi du mal à en douter, mais lorsqu'il a rencontré Marianne, il n'aurait pas imaginé une seconde que leur mariage allait se terminer comme il s'est terminé. Agnes a connu des ruptures, aussi, et Harry sait que sa vie sentimentale a été compliquée, plus compliquée que la sienne sur certains aspects sans doute. Mais l'échec de son mariage, il en garde un souvenir douloureux gravé au fond de son esprit pour toujours. Il ne s'est pas marié pour divorcer, il n'a pas épousé Marianne pour que leur mariage parte en lambeaux. Il aurait préféré que les choses fonctionnent, évidemment, même si aujourd'hui, il a compris, avec le recul, que leur relation était toxique, surtout à la fin. Harry n'est pas sûr cependant qu'il survivrait au fait de perdre Agnes, si elle venait à ne plus le supporter, elle aussi, et il aimerait lui faire comprendre quels sont les risques sans la heurter ou se montrer désagréable. Cela dit, la rousse achève de lui déclarer sa flemme avec force et conviction, en terminant par une phrase sur le désir qu'elle lui porte, et les joues d'Harry se teintent légèrement, sans doute. Il caresse sa joue.

- It's just that you never marry to anticipate that the marriage will fail, you know? You always want it to be beautiful and last forever and if it doesn't, then it's... awful? And I can't begin to imagine how even more awful it would be to disappoint you and lose you in the end, eventhough I hear what you're saying. It's true that we already live together and know each other very well, more than I've ever known anyone else. And I'm a marriage guy, I promise. I'm not against it.

Harry l'écoute, et son coeur se serre un peu quand la conversation dérive sur la chaise, les conversations interminables avec les médecins, les messages de Marianne sur son téléphone qui voudrait qu'il rencontre un de ses copains spécialistes. Son médecin est mou, et déplaît aux membres de sa famille et de son cercle rapproché, mais il entretient un espoir auquel Harry est content de s'accrocher. Certes, il vit dans ce fauteuil depuis 5 ans, acclimaté à cette nouvelle vie. Il a eu la chance d'avoir une indemnisation suffisamment importante pour le mettre à l'abri et lui permettre aussi d'acheter du matériel efficace et qui le soulage au quotidien. Il n'en reste pas moins qu'il souhaiterait en sortir, et que le temps qui passe amenuise l'espoir qu'il refuse d'abandonner pour passer à autre chose. L'idée qu'il puisse remarcher le rattache à sa vie d'avant, à sa carrière d'avant, 8 shows a week and everything. Ce n'est pas seulement à propos du mariage.

- The doctor doesn't say much, il murmure en haussant une épaule. They use to say that things would get better as the injury would heal and now it sometimes feel like it's as healed as much as it can be.

Il sait très bien ce que ça pourrait signifier, mais il ne peut pas l'admettre.

- I'm the one in my body, though. I'll get there,  I always work hard to get where I want.

Lui, ce qu'il voudrait, c'est être en mesure de retourner sur scène. Harry caresse sa main, et prend une inspiration.

- Thanks, for what you said, though. You're very sweet.

Il soupire un peu, perdu dans ses pensées de rendez-vous médicaux et toutes ces choses peu joyeuses qui les accompagnent. Il gardait ça pour lui, dans la mesure du possible, jusqu'à présent, mais s'ils décident d'être ensemble, à partir de maintenant, Agnes devra sans doute être intégrée plus directement à toutes ces questions.

- It has downsides too, you know. The chair, the injury, it's not always easy to handle every day, I can have trouble doing certain things... I don't think I can have children either... it's not going to be easy either.

Agnes n’est pas idiote, elle sait que l’unique manière de rassurer Harry est de lui prouver avec le temps qu’il n’a aucune raison de s’inquiéter pour l’avenir de leur relation. Des paroles en l’air ne réussiront jamais à le convaincre, il a besoin qu’on le lui prouve, même si ironiquement l’américaine a l’impression de l’avoir fait chaque jour et pendant de longues années avant d’en arriver ou elle en est aujourd’hui. Elle n’est pas effrayée ou découragée par le challenge cela dit, seulement impatiente de réaliser ses projets avec l’anglais. Malgré ce vilain défaut dont il est pour elle difficile de se défaire, Agnes doit accepter le passé du britannique mais aussi les dégâts fait par Marianne, qu’elle ne peut pas effacer comme un tableau noir rempli d’équations complexes, même avec les meilleures intentions du monde. Ils s’en sortiront, il a juste besoin d’un petit plus de temps pour partager son optimisme.

- I get that you are scared, but I’ll prove you that we are the real deal. I’ve loved you for so long ? There’s no world in which I could be unhappy with you. Harry I love you so very much it’s never going to change... I know I take crazy decisions all the time, that’s who I am, but this one is different I promise. It’s thought through. There are things I do without thinking much and there are others I do because I just know deep inside that it will work out. I can swear to you that as crazy as I am, I can tell the difference between the two but you’d have to trust me…

Agnes caresse sa joue elle aussi, ses yeux plantés avec obstination dans ceux de son dreamer. Elle aimerait que ses paroles soient suffisantes pour alléger les appréhensions d’Harry, mais elle sait aussi comment ses actions sont perçues par le reste du monde. Agnes tombe amoureuse en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Agnes s’emballe, Agnes veut voir le meilleur chez les autres et ferme les yeux sur les comportements qui viennent sonner l’alarme et mettre à mal ses grands projets, Agnes n’a pas toujours l’air de faire preuve de discernement, mais le fait est que lorsqu’elle ne refuse pas d’écouter ce que lui dicte son instinct pour une raison ou pour une autre, elle prend des décisions rapides certes, mais qu’elle ne regrette jamais. Si elle n’a pas abandonné l’idée d’être Harry en dépit des nombreux obstacles à leur relation, c’est pour une raison. Une raison qui n’a échappé à personne, pas même à Marianne finalement.

La conversation dérive sur le sujet de sa mobilité et Agnes perçoit rapidement de la tension dans les gestes et expressions du comédien. C’est une conversation compliquée qu’ils n’ont pas souvent, mais qui met malheureusement en lumière un souci dont Agnes n’avait jusque là pas pris pleinement conscience. Harry semble convaincu qu’il va remarcher, ce qui n’est pas le cas de son entourage qui évoque d’ailleurs le sujet des qu’il a le dos tourné avec une certaine inquiétude. La rousse ne l’interrompt pas pourtant, pour la première fois bien prudente quant à ce qu’elle pourrait sous entendre.

- I know you work very hard and that’s how you got some mouvement back, that’s really great… I just think that doctor should be a bit clearer about what you should expect now. It’s been almost five years, they should have a pretty good idea of how an injury like yours heals by now don’t you think ? I’m no doctor but it seems odd that he doesn’t have a clue if you’ll be able to walk again or not, most people I’ve talked to seem to know straight away…

Agnes tente d’être douce et d’axer ses reproches sur le médecin à la communication douteuse plutôt que de sous entendre qu’Harry est en train de se voiler la face, mais la rousse n’en reste pas moins très sceptique sur toute cette situation. Harry mérite d’avoir une réponse claire pour pouvoir avancer et faire le deuil de sa mobilité si les espoirs s’amenuisent ou sont inexistants depuis le début. Quelque chose cloche pourtant dans cette histoire. Soit ce médecin, n’est pas très compétent ce qui semble être le point de vue adopté par les proches du comédien, soit Harry refuse d’entendre la vérité ou l’interprète à sa manière. Dans tous les cas, Agnes se fait du souci pour lui. Elle change toutefois de sujet, voyant qu’il représente un danger pour la suite de la conversation. Agnes souhaite le rassurer sur l’avenir et ce n’est finalement pas son rôle à elle de se mêler de tout cela. Elle le soutiendra peu importe l’issue et c’est tout ce qui compte/

- I’m sorry if I was sounding dismissive in any way, I’ll never know what things are like for you from the inside. I just think that, at least from my perspective, we make a pretty good team you and I. Things are not perfect, but we manage more than ok all considering ?

La maison est désormais accessible et ils se partagent les tâches suffisamment intelligemment pour ne pas déséquilibrer leur relation, c’est bien plus que certains couples finalement. Quant à Agnes, il est vrai qu’elle se lance dans l’inconnu, n’ayant jamais eu de relation intime avec une personne handicapée, mais elle ne peut pas s’empêcher d’être optimiste, s’étant adaptée sans problème à tout le reste avec beaucoup d’amour et de bonne volonté par le passé.

- As for the children, I am a bit old for that now I would probably die even trying with my luck, I’m not sure we need that stress on top of things. I’m good with not having any really. They’d be intense like us and so much trouble, can you imagine ? The school would call us all the time… We can be happy and love each other more than anyone before though, that sounds achievable, at least for me it does.

Agnes dessine un léger sourire. Elle sait qu’elle n’offre à Harry qu’une alternative qui n’avait rien de ses plans initiaux avec Marianne. Lui voulait être père, une famille à emmener en Angleterre et à qui apprendre le piano. Une petite maison dans un quartier verdoyant de capitale anglaise, une architecture victorienne pleine d’un charme ancien, presque poétique pour accompagner ses rêveries assis derrière le grand piano à queue qui dominerait le salon… Les choses seront différentes, mais pas moins belles. Seulement différentes.